IMPACT DU MOUILLAGE DES GRANDS NAVIRES EN MEDITERRANEE FRANÇAISE (2/4)
Caractérisation de la pression de mouillage le long de nos côtes
Comment évaluer la pression du mouillage le long de nos côtes ?
Le mouillage des bateaux est responsable de dommages physiques sur les habitats marins sensibles comme les herbiers. Pour éviter les conflits d’usage et faciliter la gestion de ces impacts, il est essentiel de localiser et quantifier les zones subissant une pression de mouillage. Les données AIS (système identification automatique) permettent d’estimer cette pression subie par les habitats marins côtiers de Méditerranée française.
Pour suivre la pression du mouillage le long des côtes françaises méditerranéennes, les chercheurs d’Andromède océanologie ont analysé les données AIS de 75 379 mouillages disponibles entre 2010 et 2018. Le nombre de mouillages augmente au cours du temps, particulièrement pour les navires de taille inférieure à 60 mètres. La pression de mouillage est concentrée en grande majorité sur cinq mois de l’année, de mai à fin septembre avec des pics qui correspondent aux événements locaux tels que le festival de Cannes ou le Yatch Show de Monaco. La répartition des ancrages sur les habitats marins est d’environ 1/4 sur l’herbier de posidonie, 2/3 sur les fonds meubles et 1/10 sur la matte morte. Grâce à ces données AIS, il est maintenant possible d’évaluer l’impact de chaque navire présent en Méditerranée française.
Impact du trafic maritime
Près de 80 % du commerce mondial en volume et 70 % en valeur transite par la mer et les ports. Que les bateaux aient un usage commercial ou récréatif, qu’ils soient de grande ou petite taille, leurs impacts négatifs pour l’environnement sont nombreux : collision, pollution (produits antifooling, eaux de ballast, produits pétroliers) et destruction par le mouillage. La gestion des eaux de ballast des navires marchands pose aussi de nombreux problèmes : en 2016 un parasite du genre Haplosporidium a été introduit dans le Sud-Est de la péninsule ibérique par les eaux de ballast de navires marchands en provenance d’Asie provoquant la mortalité de 99 % des grandes nacres de Méditerranée dans les zones infestées en Espagne, France et italie (Medpan, 2019).
Suivi du mouillage par AIS, un instrument de navigation permettant aux bateaux et aux autorités côtières de s’identifier et se localiser
Les AIS (système d’identification automatique) sont des outils de sécurisation de navigation obligatoires depuis fn 2004 à bord des navires de plus de 300 tonneaux engagés dans des eaux internationales et des navires de plus de 500 tonneaux non engagés dans des eaux internationales et pour tous les navires commerciaux transportant des passagers, peu importe leur taille, pour des raisons de sécurité (International Marine Organization (OMI), 2016). Les données AIS peuvent être utilisées pour localiser les mouillages des bateaux.
Du fait de la réglementation, les capacités de l’AIS en matière de surveillance maritime sont limitées au volume des bateaux. Comme l’AIS reflète principalement les grands navires, nous utilisons cet outil pour le suivi de la grande plaisance avec une taille minimale de bateaux fixée à 24 mètres.
Grâce aux données acquises lors de la cartographie des habitats il est possible de cartographier les traces de mouillage parmi l’herbier. Les données AIS complètent ces données pour relier les herbiers morts aux navires responsables : tous les grands navires (plus de 24 m de long) qui ont jeté leur ancre dans l’herbier de posidonie, localisés et identifiés par leur AIS, ont détruit en partie cette espèce protégée.
L’impact du mouillage des grands navires peut actuellement être cartographié et le navire responsable identité (nom du navire, taille, date, durée d’ancrage ; Deter et al. 2017)
Quels sont les bateaux les plus vertueux ?
La base de données de l’ensemble des mouillages depuis 2010 permet l’attribution d’une note de comportement de mouillage à chaque navire présent en Méditerranée française. Cette note est basée sur le nombre et le pourcentage de mouillages effectués chaque année sur l’herbier de posidonie. Plusieurs « mauvais élèves » ont ainsi d’ores et déjà pu être identifiés parmi les yachts de plaisance, et parmi les navires professionnels.
Caractéristiques des navires identifiés par AIS
Les données AIS informent sur la localisation précise, le temps de séjour, identification, le pavillon et la taille du navire.
Un réseau d’antennes AIS sur le littoral réceptionne les données des grands navires
La période exploitée concerne les années 2010 à 2018, soit neuf années de données. Les données AIS issues de cette période intègrent 7 223 navires pour 75 928 mouillages dont 75 379 mouillages pour des bateaux de taille supérieure à 24 mètres.
Du fait de la réglementation, les données AIS reflètent principalement les grands navires. Ainsi, même s’ils représentent moins de 1 % des navires détectés parmi les données AIS, les navires inférieurs à 24 mètres sont largement majoritaires sur nos côtes ! Plus de 95 % des navires de plaisance ont une taille inférieure à 24 mètres. Ces navires, dits de la petite plaisance, engendrent donc une pression de mouillage conséquente mais qui ne peut pas être étudiée à travers les données AIS (Deter et al. 2017). D’autres méthodes de surveillance innovantes devront être mobilisées à l’avenir pour caractériser cette pression.
Moins de 4 % des navires de plus de 24 mètres sont sous pavillon français. À partir de 40 mètres de long plus des trois quarts des bateaux arborent un pavillon de complaisance.
Pourcentages de navires de plaisance sous pavillon de complaisance en fonction de la classe de taille
Pression d’ancrage : distribution temporelle
Comment évolue le nombre des mouillages ?
Le nombre total de mouillages augmente depuis 2010 et plus particulièrement de la part des navires inférieurs à 60 m (multiplication par quatre du nombre de mouillages annuels en 8 ans).
Chiffres clés par AIS
Comment se répartissent les mouillages sur l’année ?
La pression de mouillage est concentrée en grande majorité sur cinq mois de l’année, de mai à fn septembre. Des pics d’ancrage sont retrouvés chaque année et correspondent aux vacances d’été et aux événements locaux tels que le festival de Cannes, ou le yacht show de Monaco
Gwenaelle Delaruelle, Andromède Océanologie