EXPÉDITION GOMBESSA 5 PLANÈTE MÉDITERRANÉE : UNE MISSION SCIENTIFIQUE DANS LA ZONE CRÉPUSCULAIRE (3/5)

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 «  Méditerranée. Parce que les hommes y voyagent depuis des millénaires, on la croit sans secrets. Parce qu’ils l’ont conquise et maltraitée, on la croit dévastée. Le berceau de nos civilisations serait devenu la poubelle de nos sociétés. Mais pire encore que la triste réalité, il y a le rêve meurtri : le calme de ses golfes clairs aurait fait taire l’appel du large. Vendue comme lieu de villégiature, elle n’incarnerait plus l’aventure… Et pourtant, si le tourisme peut tuer l’exotisme – et la pollution tout le reste – la Méditerranée est toujours une mer vivante, et elle est encore une mer à explorer. À seulement 100 m sous sa surface et quelques centaines de mètres de la côte, se cachent de vastes territoires sous-marins pratiquement vierges de toute connaissance scientifique. La zone crépusculaire, du fait de son accès difficile au plongeur traditionnel, est méconnue. Pourtant, elle pourrait être essentielle au fonctionnement des écosystèmes méditerranéens et représente un fabuleux potentiel de découvertes naturalistes. Si plonger à de telles profondeurs est toujours un challenge, y séjourner est un fantasme ; une utopie qui est devenue réalité au cours de la mission Gombessa 5. »

Laurent Ballesta – Biologiste et photographe sous-marin – Directeur des expéditions Gombessa – Andromède Océanologie

[ 3 ] UN DEFI DE PLONGEE

Durant 28 jours (24 jours d’exploration à saturation suivis de 4 jours de désaturation), les quatre plongeurs profonds ont vécu dans un module de 5 m² pressurisé à la profondeur de 120 m. Une pression treize fois supérieure à celle de la surface. Quotidiennement, ils effectuaient deux sorties de 3 heures pour explorer et étudier la zone crépusculaire entre -65 et -142 m de fond, de Marseille à Monaco. Prisonniers volontaires de cette cage d’acier ou « Station Bathyale », ils ont dû cohabiter et s’adapter aux conditions environnementales : une atmosphère avec beaucoup d’hélium et peu d’oxygène, un espace de vie confiné, sans jamais pouvoir sortir à l’air libre

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La roche des Blauquières, © Laurent Ballesta

Une première mondiale

L’équipe d’Andromède Océanologie menée par Laurent Ballesta a réalisé une première mondiale durant l’expédition Gombessa 5 en mariant avec succès les moyens de la plongée à saturation initialement dédiée à l’exploitation offshore avec les techniques de plongée autonome en recycleur à gestion électronique, dans le but d’explorer en toute liberté les écosystèmes profonds de Méditerranée. Cette association inédite de deux méthodes bien connues a été mise en place par Laurent Ballesta et Jean-Marc Belin (Andromède Océanologie) en relation avec Théo Mavrostomos et Eric Albier (INPP).

La plongée à saturation

©Comex

La plongée à saturation existe depuis les années 1960. Elle a été développée pour l’exploitation des ressources sous-marines, plus particulièrement celle des hydrocarbures. Elle consiste à maintenir sous pression les plongeurs-travailleurs pendant toute la durée de leur chantier (en les faisant vivre dans une chambre pressurisée entre les plongées), leur corps est alors à saturation de gaz pour la profondeur de vie. Reliés à la tourelle par un gros ombilical ils sont alimentés en gaz, en électricité, en eau chaude, en lumière et peuvent communiquer avec la surface. Les temps de plongée ne sont donc plus limités et la décompression ne se fait qu’à la fin du chantier, au sec, en sécurité dans leur chambre pressurisée. Il n’existe aujourd’hui plus qu’une seule école dans le monde, à Marseille : l’INPP.

La station bathyale

D’une surface totale de 10 m², la station bathyale est divisée en trois parties : un caisson de vie (5 m²), un module sanitaire (2 m²) et un module de transition (3 m²), également appelé « Tourelle ascenseur », permettant aux plongeurs de descendre puis de s’immerger dans les grands fonds. À la fin de la plongée, les plongeurs déposaient leur matériel dans des paniers couplés à la tourelle-ascenseur pressurisée qui les remontait vers le caisson de vie. Cette station bathyale était installée sur la barge CETRAVIM, tractée par le remorqueur COSTAUD tout le long du littoral méditerranéen français

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© Laurent Ballesta

Intérieur de la tourelle acsenseur (1) ; Module de vie – repas (2) ; Module de vie – lit (3) ; Passe-plat (4), © Andromède Océanologie

Un aménagement spécifique a été conçu et fabriqué par Christian Lumbreras en lien avec Andromède Océanologie : un vaste panier en acier situé en dessous de la tourelle ascenseur, permettant aux quatre plongeurs profonds de récupérer et de déposer leur matériel avant et après chaque plongée (appareils photos, recycleurs, matériels scientifiques, …), ainsi que l’ensemble des échantillons collectés.

Tourelle ascenseur et puit de plongée (1) ; Panier à matériel sous la tourelle (2), © Andromède Océanologie

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