Les trottoirs de Lithophyllum byssoides : première victime de l’élévation du niveau de la mer en Méditerranée. #19

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L’augmentation du niveau de la mer est inexorable et varie en intensité en fonction de la région concernée depuis le début de l’Anthropocène. En Méditerranée, il a déjà augmenté de 16 cm en 100 ans. Bien que cette augmentation puisse sembler modeste, elle a déjà des impacts sur l’un des habitats les plus emblématiques de la Méditerranée : les trottoirs de Lithophyllum byssoides. Cet habitat endémique est unique car il se forme uniquement à l’interface entre la mer et la terre.
Sa distribution verticale est limitée à environ 20 cm.
Il ne peut pas pousser beaucoup plus haut en raison d’une humidification insuffisante, ni s’étendre trop vers le bas en raison d’une humidification excessive.
–> Par conséquent, sa croissance se produit principalement horizontalement, vers le large, par coalescence avec des individus vivants se fixant sur des individus morts.

Ce processus conduit à la formation d’un trottoir, mais uniquement si le niveau de la mer est stable pendant plusieurs siècles. Les trottoirs actuels se sont formés pendant la petite période glaciaire, à partir du 13ème jusqu’au milieu du 19ème siècle. Les trottoirs les plus spectaculaires peuvent atteindre jusqu’à 2 mètres de largeur et plusieurs dizaines, voire centaines de mètres de longueur. C’est le cas de Cala Litizia à Scandola en Corse ou du trottoir de la Calanques des Contrebandiers à Marseille.

L’étude de l’impact de l’élévation du niveau de la mer sur les écosystèmes marins est encore peu développée en Méditerranée. Dans une étude à grande échelle menée en Provence et en Corse, à la fois dans des zones impactées par l’activité humaine et dans des zones marines protégées, nous avons démontré que la plupart des trottoirs étaient fortement impactés par la montée du niveau de la mer. En effet, l’état de vitalité des trottoirs s’est significativement détérioré au fil des ans. Ils connaissent une diminution de la couverture d’individus vivants de L. byssoides, une invasion par des algues infralittorales et une bioérosion, entraînant la formation de trous qui les fragilisent pour au final se casser et sombrer dans la mer (Figure 1).

Figure 1. Comparaison du haut du trottoir de Lithophyllum nommé Cala Litizia (Scandola, Corse) au cours du temps. A droite, le trottoir en 1995. A gauche, en 2014, le même trottoir rongé par l’érosion. @ M. Verlaque et A. Blanfuné

Leur détérioration est répandue à très grande échelle dans de sites très variés, indiquant qu’elle ne peut pas être uniquement attribuée à des facteurs de stress locaux. La principale menace inévitable pour ces trottoirs est l’élévation globale du niveau de la mer. Contrairement à d’autres facteurs de stress, l’élévation du niveau de la mer ne peut pas être résolue par des mesures de gestion locales. Alors que le destin de ces habitats semble scellé, leur submersion est le premier signal d’alarme pour les habitants de la Méditerranée, soulignant les changements profonds auxquels ils devront faire face au cours de leur vie.

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Aurélie Blanfuné et Thierry Thibaut, MIO, Aix-Marseille Université

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