MEDHAB

EVOLUTION ET GESTION DES HABITATS ESSENTIELS DES POISSONS MEDITERRANEENS

Les habitats essentiels des poissons (Téléostéens) des petits fonds côtiers : cartographie, disponibilité et prise en compte dans le zonage des mesures de gestion.

 

 

Contexte :

 

Les habitats marins assurent diverses fonctions primordiales pour les poissons: zones d’alimentation, frayères ou encore nurseries pour les stades juvéniles. Dans la mosaïque paysagère sous-marine, ces fonctions sont assurées par divers habitats, ainsi complémentaires, différents selon les espèces (Harmelin-Vivien et al., 1995 ; Garcia-Rubies et Macpherson, 1995 ; Cheminée et al, 2021). Outre une gestion des prélèvements des adultes, il est donc nécessaire de préserver ces habitats indispensables au cycle de vie des espèces.
Dans une optique de hiérarchisation judicieuse des objectifs de conservation, il est ainsi requis de mieux comprendre le rôle et la répartition de ces habitats clefs, frayères et nurseries. C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet MedHab (2019-2022): il vise à localiser et quantifier la disponibilité de certains habitats marins remplissant une fonction essentielle de nurserie. Ce projet, financé dans le cadre de l’appel à projet recherche 2018 piloté par la DIRM (Direction Interrégionale de la Mer), constitue l’une des concrétisations du PAMM (plan d’action pour le milieu marin) Méditerranée. Le PAMM représente lui-même une déclinaison de la DCSMM (Directive-Cadre Stratégie pour le Milieu Marin) visant l’atteinte ou le maintien du bon état écologique des milieux marins.

 

Méthodologie :

 

Le projet Medhab est structuré en différents packages:

WP1 : Rassembler et analyser les données disponibles dans la littérature à propos des habitats nurseries et frayères de Téléostéens.
WP2: Sur l’ensemble de la façade, localiser et quantifier les habitats nurseries de sparidés (petits fonds hétérogènes) et évaluer leur prise en compte actuelle dans la gestion. Effectuer des vérités terrains de cette cartographie et incluant un recensement des populations de juvéniles. De plus, dans trois zones d’études (Provence, Catalogne française, NO Corse), estimer la disponibilité relative et le potentiel de recrutement de cet habitat vis à vis de deux autres types d’habitats nurseries (herbier de posidonie et roche infralittorale).
WP3 : Assurer un transfert de compétences et des connaissances acquises aux gestionnaires par la réalisation de bases de données en ligne, de formations, et sensibiliser le grand public.

Concernant la méthode employée, L’emprise de l’étude s’étend à l’ensemble de la côte méditerranéenne française, Corse incluse, soit 2 705 km de linéaire côtier.

 

Cartographie :

 

Les nurseries ont été identifiées par reconnaissance visuelle sur image satellite. Pour ce faire, les plateformes Google earth (https://www.google.fr/intl/fr/earth/index.html), Google Maps (https://maps.google.fr/) et Géoportail (https://www.geoportail.gouv.fr/) ont été utilisées. Les portions du linéaire côtier répondant aux quatre critères définissant les petits fonds hétérogènes (PFH) (profondeur, pente, substrat et hydrodynamisme) ont été identifiées comme habitat nurserie (Harmelin-Vivien et al., 1995) et reportées dans Qgis sous forme d’un vecteur ligne superposé au trait de côte. Ce tracé des emprises de cet habitat a été dessiné à échelle constante (1/1000) pour éviter les effets d’échelle (fractales) et donc garantir une méthode et une évaluation constante quel que soit le site.

 

Vérité terrain :

 

Selon la configuration de la côte, l’homogénéité du substrat, la qualité des photos et les condi3ons hydrodynamiques lors de la prise de vue, l’identification des nurseries sur images satellites peut se révéler difficile. Les habitats cartographiés sont donc des nurseries potentielles et une opération de vérité terrain (incluse annuellement au projet MedHab) a été orchestrée pour vérifier in situ la fiabilité de l’identification via images satellites, étape indispensable à la validation de la méthode (Cheminée et al., 2014; Cuadros et al., 2018).

 

Deux types de vérité terrain ont été mis en œuvre:


(1) Au cours des étés 2019 et 2020, une vérité terrain a été réalisée sur certaines nurseries sélectionnées aléatoirement : il s’agissait de respectivement 11, 17, 17 et 19 sites cartographiés comme nurseries PFH dans quatre aires d’étude pilotes (Côte Bleue, Calanques, Calvi et Scandola). Elle consistait en une observation in situ des caractéristiques de l’habitat sur les tronçons cartographiés comme potentielles nurseries, afin d’y vérifier
l’adéquation des 4 critères écologiques définis ci-dessus. Si nécessaire, la cartographie était rectifiée à posteriori. Par ailleurs cette vérité terrain a été mise à profit afin de réaliser dans les tronçons validés comme nurseries un recensement des juvéniles (Cheminée et al., 2017, 2011). Cette étape a donc permis de valider in situ la cartographie issue du SIG, mais également d’enrichir l’étude d’un suivi des densités de juvéniles permettant ainsi d’estimer la valeur de nurserie des sites prospectés.

 

(2) Par ailleurs, durant l’été 2020, à Scandola, une expérience nous permis d’estimer la précision de l’identification cartographique via images satellites des nurseries PFH. Quatre tronçons de côte choisis aléatoirement, totalisant 6,3 km de linéaire côtier ont été prospectés en palmes-masque-tuba (PMT) afin de localiser in-situ visuellement et de cartographier à l’aide d’un GPS l’habitat nurserie de type PFH. Chaque opérateur PMT réalisait ceci à l’aveugle, c’est-à-dire sans connaitre au préalable la cartographie réalisée via SIG. A posteriori, la superposition et comparaison des deux cartographies (celle issues des relevés in situ versus celle réalisée via analyse des images satellites) a permis d’estimer le pourcentage d’erreur de la méthode d’identification sur images satellites.

 

 

 

Résultats et descripteurs disponibles sur MEDTRIX :

 

En 2019, 2020 et 2021 ces campagnes de cartographie et de vérité terrain ont permis de valider la méthode de cartographie des petits fonds hétérogènes via imagerie satellite. Ces campagnes de terrain ont également permis de caractériser les assemblages de juvéniles. Ceci a été réalisé au sein de trois zones pilotes en Provence, Corse et Occitanie, incluant le Parc national des Calanques, le Parc marin de la Côte Bleue, la Réserve Naturelle De Scandola, le golfe de Calvi, la Réserve Naturelle Marine de Cerbère Banyuls et le Parc Naturel Marin du Golfe du Lion. Sur l’ensemble de l’aire traitée, 4989 nurseries PFH ont été identifiées et cartographiées. Ces nurseries, avec une longueur individuelle moyenne de 51 (± 42) m, totalisent un linéaire total de près de 254 km. Leur disponibilité globale à l’échelle de la façade a ainsi été estimée à 9,39 % du linéaire côtier.

Les résultats des opérations de vérité terrain nous ont également permis de confirmer la fiabilité de ces résultats. En effet, la comparaison entre la cartographie réalisée in-situ en PMT et la cartographie via image satellite a montré un taux d’erreur de cette dernière de +1,44 (± 5) %. La cartographie des nurseries PFH sur l’ensemble du littoral méditerranéen français a donc permis d’estimer la disponibilité moyenne de l’habitat nurserie PFH à 9,39 % du linéaire côtier. Ce constat de la rareté de cet habitat le long de l’ensemble du littoral français en Méditerranée confirme les résultats ponctuels des précédentes études portant sur l’habitat PFH, que ce soit lors d’études localisées sur des secteurs de la Méditerranée Nord occidentale (Cheminée et al., 2014, 2011; Pastor et al., 2016), sur des littoraux insulaires, comme à Minorque aux Baléares (Cuadros, 2015) ou encore dans d’autres pays du pourtour méditerranéen (Ezagouri-Lara, 2016).

 

La cartographie ainsi réalisée fournit une localisation des habitats nurseries PFH. La part d’erreur dans la photo- identification des nurseries via image satellite (due à la configura3on de la côte, la granulométrie du substrat, la qualité des photos et les conditions hydrodynamiques lors de la prise de vue) a pu être estimée lors de notre vérité terrain : ces erreurs (minimes) concernaient des tronçons de côte qualifiés de favorables aux juvéniles alors qu’ils présentaient en réalité une pente trop abrupte, un substrat trop homogène (e.g. roche lisse), ou encore une exposition à un hydrodynamisme trop fort.

 

Ainsi, globalement, les PFH représentent donc une faible proportion du linéaire au regard d’autres habitats nurserie (Cuadros, 2015) et ne forment pas de grandes zones homogènes mais de nombreuses et courtes portions de côte. Ces deux caractéristiques – faible disponibilité et taille réduite – en font un habitat d’autant plus vulnérable aux transformations d’habitats induites par l’artificialisation du littoral.

Contact : Adrien Cheminée adrien.cheminee@septentrion-env.com et Justine Richaume justine.richaume@septentrion-env.com

Porteur du projet : Septentrion Environnement, http://septentrion-env.com

Partenaires : Le projet bénéficie d’un soutien financier de la part de : l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse (AERMC), la Région SUD-PACA, la Région Occitanie, et la DIRM.
Les partenaires techniques sont : Parc National des Calanques, Parc Marin de la Côte Bleue, STARESO, PNR Corse et RN Scandola, Parc Naturel Marin du Golfe du Lion et Réserve Naturelle Marine de Cerbère-Banyuls

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